Les trains des pays lointains

"Les trains" sont une passion comme une autre mais celle-ci peut se découvrir dans des pays lointains de notre hexagone et surprendre à la fois par leur diversité et leurs points communs.

Nous, voyageurs, vous proposons de découvrir certains de ces trains et de percevoir l'ambiance qu'ils véhiculent.

Decauville au Sénégal

On ne cessera jamais de nous surprendre dans le monde ferroviaire. Même dans des endroits qui semblent complétement hors de portée du train. Imaginez un peu ma surprise quand je découvre sur l'ile de Gorée, au Sénégal des vestiges de matériel Decauville!

Sur les hauteurs de cette maginifque ile de Gorée, au Castelet, la vue est belle et on voit Dakar qui est proche mais aussi suffisament loin pour respirer un bon air. Les iliens sont très sympatiques et voyant que je regarde ce matériel ferroviaire, une dame m'explique que c'est un vestige de la guerre. L'île était une position stratégique et deux canons ont été amenés ici sur les hauteurs du Castelet. 

Vestige d'un bogie (ou truck) qui supportait un des canons

Effectivement, plus haut il y a deux canons de 240 qui seraient issus du cuirassé Vergniaud (désarmé en Juin 1921) et qui ont été acheminés au sommet en 1935. 9 des canons du cuirassé ont été utilisés comme défense cotière de Dakar à partir de 1922. Ce type de canon ne pèse pas moins de 14 tonnes.
Pour une telle charge, il parait tout à fait plausible d'utiliser des bogies à quatre essieux. La limite de charge se situe aux environs de 12 tonnes pour un bogie, 24 tonnes avec 2 trucks.
C'est rouillé mais pas encore en assez bon état. Le tampon et les chaines d'attelage sont toujours là et j'ai pu les manipuler.

Vue de face du bogie

Une preuve irréfutable est le marquage constructeur sur les boites d'essieux "Decauville  Ainé - Petit Bourg". Les ateliers de Petit-Bourg ont été créés en 1853 et l'usine de Corbeil ouvrit ses portes en 1881. Ce matériel est probabelement aurait au moins 130 ans... La partie inférieure donne aussi le numéro 28 et on devine une lettre. Cela peut aider pour une identification plus précise à partir du catalogue Decauville.

Decauville - la preuve -

Autre surprise, non loin de là, un fût de canon qui refroidit comme dirait Fernand Raynaud. Il s'agit probablement d'un vistige des canons du port.

fût de canon

C'est un peu le jeu de piste, car il y a des vestiges un peu partout...

Reste d'un second truck

En admirant la vue de Dakar, je me dis que cette petite table a une drole d'allure. En regardant de plus près, c'est encore un reste de la partie supérieur du truck. Du coup, je l'ai baptisé la table Decauville!

La table Decauville

Même le baobab est fléché sur du Decauville.


Je n'ai pas trouvé de trace des rails qui ont sûrement été réutilsés. Quant à la locomotive qui a servi à monter les canons c'est un mystère total.

En quittant cette magnifique ile, je ne peux m'enpêcher de penser à tous les drames humains qu'elle a vu et que le passé ne s'oublie jamais. A charge pour nous d'entretenir la mémoire.

Addendum :
Nicolas a trouvé des éléments intéressants.
" L'aspect de ce bogie me faisait penser à quelque chose de militaire mais je ne pouvais pas le justifier. C'est maintenant chose faite, du moins dans l'intention de départ, ce matériel ayant pu être utilisé pour toute autre chose.
Il s'agit donc d'un "truck" pour transporter des charges lourdes et longues. Il n'y a pas d'équivalence exacte dans le catalogue mais les illustrations permettent de comprendre le principe général.
En tout état de cause, il en faudrait un deuxième exemplaire pour y poser quoi que ce soit.
Sur la photo, on a le truck à 4 essieux avec la traverse pivotante posée directement, c'est une combinaison dérivée d'une configuration de base.
Généralement, ces trucks sont couplés par des barres d'écartement, ils peuvent également être jumelés au moyen de plateformes pivotantes portant elles-mêmes une traverse pivotante.
Le catalogue illustre l'usage avec un affût de canon mais cela peut bien sûr servir pour des éléments de construction (pont, chantier naval, machine-outil, etc). Comme rien ne nous dit sur la photo si ce truck a servi là où il est, on ne peut savoir quel était son usage. Seule l'Histoire local permettrait de le savoir...
En photo, les pages utilisées pour l'identification.


(Photos N. Petit)

A noter qu'on ne peut pas faire de datation avec ça. Les gravures sont évidemment des "simplifications" et rien ne permet de dire, pour un non spécialiste, que l'exemplaire visé se distingue par tel ou tel détail.
Une rapide recherche ne donne pas de résultats significatif pour ce type de matériel en action. Cette configuration est apparemment uniquement destinée au transport, je ne crois pas qu'une traverse pivotante soit adaptée à une plateforme d'artillerie lourde. Usage civil ou militaire, aucune idée, c'est vraiment une question pour les passionnés d'histoire locale."